Le Grand glacier (Storbreen) dans le sud du Spitzberg

Voyage Spitzberg

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4 juillet – Jour 3 – Baie de la Croix
Matin : ciel couvert, vent quasi nul, température 7 °C.
Après-midi : ciel dégagé, vent de force et direction variable, température 12 °C.
Soir : ciel couvert, vent de nord force 5, température 7 °C.

Baie Tinayre
Position d’ancrage : 79°11,9’ N 12°03’ E

Nous arrivons de bonne heure dans la baie de la Croix, puis dans une petite baie bien abritée du nom de Tinayre, peintre de l’expédition du prince Albert Premier de Monaco, expédition venue cartographier cette région en 1906. Nous débarquons sur une petite plage de sable et de galets. Sur les pentes avoisinantes, plusieurs rennes femelles accompagnées de leur veau broutent tranquillement. Nous remontons un petit vallon riche en plantes typiques du Spitzberg : silène acaule formant de beaux petits coussins vert clair parsemées de minuscules fleurs roses, cassiope tétragone avec ses petites fleurs blanches en clochettes, lycopodes verts-jaunes, lichens des rennes jaune clair, autres lichens de couleur grises et aussi les saules nains et réticulés, arbres de quelques centimètres de haut aux minuscules feuilles vert vif. Nous arrivons en haut de ce vallon, d’où la vue porte sur la glacier qui alimente le torrent. Les rennes aperçus plus tôt traversent ce torrent boueux les uns après les autres. Nous rejoignons ensuite un belvédère duquel nous avons une vue imprenable sur la baie Tinayre dans laquelle est ancré le Noorderlicht. La descente dans le pierrier raide est assez délicate mais tout le monde arrive sans trop de difficulté en bas.

Glacier Lilliehöök
Position devant le front : 79°19’ N 11°36’ E
Pendant le déjeuner, nous naviguons vers le fond du fjord Lilliehöök, en direction du glacier éponyme. Celui-ci forme une espèce de cirque où convergent plusieurs langues glacières formant un front unique d’une longueur de près de 7 km. A l’approche du glacier, nous apercevons nos premiers icebergs. Le capitaine stoppe le moteur à moins d’un kilomètre du front et nous restons sur le pont à regarder et photographier la falaise de glace en espérant voir celle-ci s’écrouler. Après une demi-heure sans que cet événement se produise, nous repartons. Nous arrivons au bout d’une heure de navigation devant une petite falaise où se tient une petite colonie de macareux moines et de guillemots de Brünnich. Le capitaine stoppe le navire à quelques dizaines de mètres des rochers pour que nous puissions les observer de près. Sur les ressauts rochers adjacents plusieurs couples de bernaches nonnettes y ont établi leur nid. Pour l’un d’entres eux, l’éclosion a déjà eu lieu et les oisons sont visibles : ce sont de petites boules de duvet gris.

Glacier du 14 juillet
Position d’ancrage : 79°07’N 11°55’E
Après une heure de navigation supplémentaire, nous sommes en vue du glacier du 14 juillet. Son nom est bien sûr en l’honneur de la France : il a été reconnu le 14 juillet 1906 par l’expédition d’Albert 1er de Monaco. Nous débarquons sur une petite plage de sable à quelques centaines de mètres du front glaciaire. Gérard nous met en garde contre le risque de vagues déferlantes consécutives à un éventuel vêlage du front. C’est ainsi que l’on nomme la naissance des icebergs. Nous marchons une quinzaine de minutes pour arriver juste à l’extrémité du front qui est posée sur le sol. Gérard nous explique la formation de la glace, la vie du glacier avec le déplacement soit par déformation interne de la glace, soit par reptation de l’ensemble de la langue glaciaire sur le lit rocheux, puis la fonte du front par la mer et la naissance des icebergs. Nous entendons à de nombreuses reprises le grondement caractéristique d’écroulement de glace mais nous n’assisterons pas à un gros vêlage, seulement de petits morceaux s’écroulent dans l’eau.
Nous sommes de retour à bord pour le dîner et le bateau reprend sa navigation vers le Nord. Une grande partie de la soirée est animée par une explication technique sur la photo numérique par Gérard.
Le vent du nord s’est levé et lève un peu la mer si bien que le Noorderlicht tangue beaucoup.

5 Juillet – Jour 4 – Nord-Ouest
Matin : couvert, vent de nord, force 1, température 6 °C.
Après-midi : couvert plafond très bas, neige, vent de nord-ouest force 3, température 3 °C.
Soir : ciel couvert, petites chutes de neige, vent très faible, température 3 °C.

Baie de la Madeleine
Position d’ancrage : 79° 33,5’ N 11°04’ E

Nous sommes arrivés vers 2h 30 en baie de la Madeleine et avons fini la nuit au calme à l’ancre dans cette baie très célèbre du fait de sa fréquentation par les grands paquebots de croisière qui viennent uniquement quelques jours au Spitzberg. Nous débarquons sur une plage de sable blond. Devant nous, une colline est entourée de petits piquets et d’une chaîne. Ce lieu a été utilisé au début du 17e siècle par les baleiniers comme station de dépeçage des baleines et de fonte de la graisse. Les fondations de quelques fondoirs sont encore visible. La colline a ensuite servi de cimetière pour les marins qui mouraient lors des campagnes estivales de chasse à la baleine jusqu’à la fin du 18e siècle. Un fois de plus une petite tête ronde sort de l’eau et nous regarde : c’est un phoque annelé que notre présence intrigue. Sur la terre, plusieurs couples d’eiders à duvet déambulent. Un autre couple d’oiseaux, nettement moins fréquent, est à proximité : des hareldes boréales, petits canards plongeurs qui eux aussi viennent nicher dans l’archipel. Les sternes papillonnent sur la rive à la recherche de crustacés ou de petits poissons. Nous les voyons régulièrement brusquement « piquer une tête » dans l’eau lorsqu’elles aperçoivent une proie. La météo n’est pas très favorable : il neige de plus en plus alors nous ne prolongeons pas trop la sortie. Après avoir marché un peu sur la moraine du glacier Doré, nous reprenons la direction de la plage et rentrons à bord.

Baie Holmia
Position d’ancrage : 79°48,4’N 11°35’E
Sitôt sortis de la baie de la Madeleine, le bateau est à nouveau secoué par les vagues. Heureusement, nous pouvons passer entre l’île des Danois et le Spitzberg et le détroit est au calme. Après une heure de navigation, nous arrivons à l’entrée d’une petite baie, nommée Holmia. Au détour d’une moraine, nous apercevons deux ours allongés sur un névé près de l’eau. Ils ne réagissent pas beaucoup à notre approche. Gérard sonne vigoureusement la cloche pour réveiller ceux qui faisaient le sieste. Le capitaine manœuvre avec aisance pour amener le bateau à quelques dizaines de mètres de la rive. Les deux ours lèvent la tête avec nonchalance, montrant plutôt de la curiosité que de l’inquiétude ou de la nervosité. Tout le monde est sur le pont avec appareils photos, caméras, et jumelles. L’un deux se lève et défèque devant nous. Il se recouche aussitôt après avoir recouvert ses excréments de neige. Nous restons un bon moment à l’arrêt pour voir si les ours veulent manifester plus d’activité.
Comme il s’arrête de neiger, le capitaine et Gérard décident de faire une courte randonnée à terre de l’autre côté de la baie. La distance par rapport aux ours est suffisante pour être en sécurité, surtout qu’ils étaient indifférents à notre présence. Nous débarquons sur une petite plage, près d’une petite cabane de bois recouverte de tissu goudronné. Gérard nous explique que cette cabane a été construite en 1927 par un trappeur qui venait chasser le renard, le renne et les ours. Nous pouvons ouvrir les volets pour voir l’intérieur qui est en bon état. Cette cabane doit aussi servir à des scientifiques car elle est équipée d’une radio et de panneaux solaires. Nous marchons le long de la grève, sur un terrain rocher détrempé. La végétation est réduite au minimum : lichens de différentes espèces, mousses et quelques pieds de graminées. Les pentes des montagnes environnantes sont encore bien recouvertes de neige et des petits filets d’eau s’écoulent de partout. Nous arrivons près d’une autre cabane, mais celle-ci est en très mauvais état : murs en partie écroulés, toile goudronnée déchirée, fenêtres cassées. Elle nous permet d’imaginer quelle pouvait être la vie des trappeurs qui venaient pour l’hiver amasser des fourrures en espérant en tirer une grande valeur. Bien des déconvenues suivaient ces aventures.

Nous rentrons à bord et revenons près des deux ours en espérant voir un peu plus d’activité de leur part. La soirée est occupée par une longue discussion qui commence par les sept péchés capitaux et qui continue par les vertus, puis les départements, les pays d’Amérique, d’Afrique et se prolonge de façon plus philosophique.
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