Baie Fakse dans l'est du Spitzberg

Voyage Spitzberg

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8 Juillet – Jour 7 – Glacier de Monaco - Woodfjord
Matin :.ciel partiellement couvert, vent très faible de sud, température 7 °C.
Après-midi : ciel se couvrant, vent de nord force 2, température 10 °C.
Soir : ciel clair, vent de nord ouest de force 3 puis calme, température 7 °C.

Glacier Monaco
Position devant le glacier : 79°31’ N, 12°30’E
Gert lèvre l’ancre pendant le déjeuner et peu après nous commençons la navigation au milieu des icebergs. Le temps est couvert vers le sud, mais une bonne moitié du ciel est bleu coté nord. Les immenses glaciers de Monaco et Selliger sont éclairés par le soleil. Nous passons à coté d’un iceberg absolument transparent comme du verre, de couleur bleu foncé. Il s’agit de glace basale, très vieille.
Nous approchons doucement du front glaciaire : alors qu’il semblait à portée de main, il nous faut deux heures pour y arriver ; les distances sont très trompeuses. Gert stoppe le moteur et le bateau termine sur son erre à quelques centaines de mètres du front. La falaise mesure une trentaine de mètres de haut et il y a encore presque une centaine de mètres immergés d’après le sondeur. La langue de glace mesure donc environ 130 mètres d’épaisseur. Nous ne pouvons voir les deux extrémités, elles sont distantes de deux kilomètres de chaque coté. Juste devant le front, un gros remous signale la présence du débouché d’une rivière sous glaciaire. Le flot d’eau douce coloré par les sédiments se mélange à l’eau salée en remontant. Il y entraîne les nutriments, surtout les petits poissons de fond qui se nourrissent de crustacés. C’est un véritable nuage de mouettes et goélands qui tournoient au dessus pour se nourrir de cette abondance de proies.
Nous reprenons notre route dans le dédale d’icebergs en direction d’un petit archipel. Gérard y localise aux jumelles une femelle ourse avec ses deux petits. Il s’agit sans doute de Diane que nous avions perdue de vue. Elle disparaît derrière la crête d’une de ces îles. Gert engage le bateau dans une espèce de détroit très encombré d’icebergs. Il doit forcer le passage en plaçant l’étrave entre deux icebergs et en mettant le moteur à fond pour les écarter. Il conduit la manœuvre avec une grande facilité. Au fond de ce détroit, un phoque barbu se prélasse sur un grand floe de glace de première année. Un cri nous intrigue ; il provient d’un ourson isolé sur ce floe qui appelle désespérément sa mère. Nous voyons soudainement celle-ci surgir de l’eau pour bondir sur le phoque. Celui-ci doit sa survie à ses réflexes vifs. L’ourson peut retrouver sa génitrice, que nous baptisons Ernestine. Quant à lui, ce sera Eric. Elle est très maigre et doit avoir sans doute très faim. La femelle découvre un deuxième phoque non loin de là. Elle abandonne son petit à nouveau pour partir discrètement à la nage vers le phoque. Il est sur ses gardes et découvre l’ourse avant qu’elle ne soit sur lui. Encore une fois l’ourse n’a pas réussi. Ce qui est surprenant est que le phoque nage derrière l’ourse à distance comme s’il voulait la narguer.
Nous continuons autour de l’île où avait disparu Diane. Nous la retrouvons de l’autre côté. Pour la troisième fois, elle s’éloigne puis disparaît derrière une colline. Nous n’insistons pas plus.
Fjord de l’Amour
Position : 79°34’N 12°39’E
Lors de notre navigation vers l’entrée du fjord, nous rencontrons encore un immense floe de glace. Nous repérons rapidement plusieurs phoques mais également deux autres ours : Ferdinand et Gaspar. Ferdinand marche vers une forme sombre que nous prenons pour un phoque. Il en arrive auprès sans que celui-ci plonge dans son trou. Nous nous attendons à ce que l’ours commence à dépecer sa proie mais il l’abandonne. Surprenant. Plus tard, nous comprendrons que ce que nous avons pris pour un phoque était en fait une grosse bûche de bois. L’ours ne risquait pas de la manger ! Ferdinand continue à marcher à un bon rythme en s’éloignant. Quant à Gaspard, il reste allongé sur la banquise ignorant complètement notre présence. Il doit sans doute guetter près d’un trou de phoque. Décidément les ours ne sont pas intéressés par notre bateau. Nous contournons le floe et Gérard localise un troisième ours, rapidement nommé Hector. Celui-ci aussi reste allongé sans bouger. Enfin nous sortons de la zone de banquise et partons au travers de l’archipel des Canards. Nous y avons la change de voir un petit rorqual émerger plusieurs fois pour respirer. Le temps d’appeler tout le monde, il est déjà loin.

Mushamna
Position d’ancrage : 79°40’ N, 14°12’E
Avec tous les arrêts « faune » de la journée, nous n’arrivons près de la cabane du havre des Souris (Mushamna) qu’un peu avant 18h. Gérard maintient quand même la sortie, mais en pariant avec le chef Menthe que nous ne serons pas en retard pour le dîner. Nous marchons sur la toundra très pauvre en végétation : nous sommes dans un désert polaire aride. La sol est parsemé de ronds de pierres, formes créées par l’alternance de gel et de dégel. Les pierres sont petit à petit repoussées vers l’extérieur de petit dômes de terre. Nous passons le long d’un petit lac ou se tiennent plusieurs couples d’eiders à duvet. Ce qui est étonnant est que les couples sont toujours ensemble alors qu’à cette saisons, les femelles devraient être avec les canetons et les mâles entre eux, laissant la charge de famille aux femelles. Il semble que le taux de succès de la reproduction de cette année soit très faible, probablement à cause de mauvaises conditions météo en fin de printemps. Nous arrivons à la cabane, qui a servi pour de nombreux hivernages de trappeurs qui voulaient vivre une expérience forte en émotions. La dernière était un jeune couple. L’homme ne s’est pas senti psychologiquement prêt à endurer l’isolement. La femme a donc passé l’hiver toute seule. Ces expériences ne sont plus reconduites depuis quelques années et la cabane est inoccupée et fermée.
Auprès de la cabane nous découvrons plusieurs nids d’eiders avec du duvet et des œufs. Nous reculons rapidement en espérant que ces œufs ne refroidiront pas trop et pourront éclore.
Nous revenons au bateau par la plage. Cette fois-ci ce sont les nids de sternes que nous devons éviter. Contrairement aux eiders, les sternes manifestent dès que l’on s’approche du nid. Nous profitons de notre passage sur la plage pour ramasser les objets en plastic qui se sont déposés : morceaux de filets de pêche, flotteurs, bidons, sangles et autres petits objets. L’origine en est certainement lointaine mais les courants marins sont mondiaux et transportent cette pollution sur toute la Terre.

9 Juillet – Jour 8 – Nord-Ouest du Spitzberg
Matin :.ciel très légèrement couvert se dégageant, vent très faible d’ouest, température 8 °C.
Après-midi : ciel clair, vent d’est de force 2, température 10 °C.
Soir : ciel légèrement couvert, vent de nord est de force 3 puis calme, température 7 °C.

Fjord des oiseaux
Position : 79°45,6’ N, 11°30’E
Alors que nous arrivons à notre étape de ce matin, nous voyons un autre bateau, un magnifique trois mats, qui se dirige vers la même île. Gérard le contacte par radio et apprend que ce bateau a le même plan que nous. Il connaît le chef d’expédition et lui laisse la primeur du site. Nous avons une grande marge de temps et pouvons aller faire un tour dans le fjord des Oiseaux tout proche. Nous y arrivons au bout d’une demi-heure. Le fond du fjord est très encombré de sarrasins et de bourguignons en provenance du glacier Svitjod qui se trouve au fond. Nous y voyons quelques zodiacs qui naviguent lentement dans la zone très encombrée de glace. Ces zodiacs sont d’un troisième bateau qui est également dans ce secteur aujourd’hui. Décidément c’est bien encombré ! Gert localise un ours sur un névé, proche de la rive. En fait, il s’agit d’une femelle avec son jeune d’un an et demi. Ils sont en train de manger un phoque. Les zodiacs approchent et restent un long moment auprès de l’ours.
Lorsque notre tour arrive, Gert approche doucement de la rive pour que nous puissions profiter nous aussi de ce spectacle. La femelle s’est déplacée un peu et se roule dans la neige à distance puis s’allonge pour dormir. Pendant ce temps, le jeune récupère le phoque qui se trouve dans l’eau, le remonte sur le névé et recommence à manger. Nous restons une heure à observer, s’exclamer, filmer et photographier cette scène si extraordinaire. En plus nous profitons d’une luminosité éclatante, d’une météo parfaite et d’un cadre magique. Gert repart pour une petite virée dans les glaces du fjord. Nous passons auprès d’un phoque barbu qui se prélasse au soleil et ne semble pas dérangé par notre présence.
Virgohamna
Position d’ancrage : 79°43’ N, 10°55’E
Pendant le déjeuner, Gert a obtenu des informations sur le site des mergules de l’île « le chant des oiseaux ». Il n’y en avait pas ce matin. Avec Gérard, ils décident de ne pas débarquer mais d’aller directement sur l’île des Danois, dans une petite baie, appelée havre Virgo, du nom du bateau de l’explorateur suédois Andrée. Ce site lui avait servi de point de départ pour une tentative d’atteindre le pôle Nord en ballon en 1897. Ce raid aérien s’était terminé par la mort des trois membres. Ce n’est que 33 ans plus tard que l’on retrouva les restes sur l’île Blanche, à l’extrême est de l’archipel. Ensuite, un Américain Wellman a tenté à son tour de joindre le pôle Nord, mais en dirigeable, à deux reprises en 1907 et 1909. Les restes de ces deux expéditions, ainsi que ceux de l’hivernage de Pike en 1888 et ceux des baleiniers du 17e siècle sont encore visibles et dispersés sur des centaines de mètres de distance. Heureusement qu’un panneau explique le détail de ces informations pour nous informer de tout cela. Les vestiges sont protégés et nous en faisons délicatement le tour par un grand névé.
Nous partons en direction d’une colline qui surplombe la baie. La montée dans la pente de neige puis les rochers aux arêtes acérées posent quelques difficultés aux moins agiles. Après la montée délicate, nous arrivons tous au sommet, d’où le panorama nous récompense des efforts fournis. La mer, d’un bleu que certains nommeraient méditerranéen, est visible à perte de vue et les îles du Nord-Ouest, encore en grande partie recouvertes de neige, paraissent toutes proches. Le Noorderlicht est vraiment à nos pieds. Nous prenons une photo de groupe avant d’amorcer la descente toute aussi délicate que la montée. En arrivant sur la côte, nous voyons un petit groupe de phoques communs qui se repose sur des rochers au soleil. A notre approche, ils partent à l’eau et viennent nous voir en nageant à quelques dizaines de mètres.

La navigation vers le sud se passe bien : beau temps, bonne visibilité et surtout pas de houle si bien que nous tenons une bonne vitesse de croisière de 7,5 nœuds.
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